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Europe identité
27 mars 2005

Une fois n'est pas coutume je vais sortir du

 

Une fois n'est pas coutume je vais sortir du cadre culturel "métapolitique" et vous présenter un texte d'un camarade qui traite de l'endettement dans notre société consumériste! Fort intéressant!


La situation de deux personnes dans mon entourage, confrontées à des ennuis de fric, m’a fait un peu gamberger. Ce sympathique petit couple devait rejoindre l’équipe pour un pot en ville, l’autre soir, et a décommandé en dernière minute : des histoires de paperasse administrative à régler, suite à d’obscures histoires d’emprunt. Ce fait banal en a exhumé de ma mémoire, datant d’il y a quelques années déjà ; du jour au lendemain, plusieurs connaissances, essentiellement des étudiantes, affichaient avec un large sourire leur carte de crédit toute neuve, alors que nous étions tous, plus ou moins, aussi fauchés les uns que les autres.

 

L’Occident consumériste nous pousse tous dans une même direction : vivre au-dessus de nos moyens, en nous exhortant à acheter tout ce qui nous fait envie indépendamment de l’état de nos finances. Evidemment se pose rapidement un problème : quand le compte est vide, plus possible d’investir dans quoique ce soit. Les magouilleurs du Marché l’ont compris et ont trouvé la solution.

 

1) créer des besoins inédits et exacerber ceux qui existent déjà : c’est le rôle de la presse, du cinéma et de la télévision, chargés de donner à des biens de consommation dispensables en soi, une visibilité prioritaire et une désirabilité impérative. En clair, on rendra « sexy » et indispensable à la vie sociale de nous tous des objets dont on se passerait très bien si on ne se laissait pas convaincre de leur prestige (fringues de luxe, téléphones portables, accessoires de mode etc.) Qui dit prestige dit plus de popularité, donc plus de séduction. Dans une société aussi obsédée par le cul que la nôtre, l’argument est pratiquement imparable. Voilà pourquoi on utilise des femmes à poil pour vendre tout est n’importe quoi aux hommes, et pourquoi l’on impose à la femme un idéal de perfection esthétique et de jeunesse éternelle.

 

2) surfer sur la vagues des nouvelles dépendances : tout sera fait pour faciliter l’apparition de nouvelles tentations et la résignation face à elles, avec dans l’idée de faire apparaître ces faiblesses comme naturelles, acceptables, normales. Créer puis maintenir une dépendance n’est pas compliqué : la première dose est gratuite, on paiera plus tard En ce sens le milieu de la came et de la téléphonie sans fil ont à peu près les mêmes méthodes. Pendant des années, s’offrir un natel était hors de prix, puis on en est venu à en distribuer gratuitement : se rattraper sur les abonnements contraignants était beaucoup plus juteux, en tablant sur les mauvaises habitudes prises par ce nouveau confort incroyable : pouvoir atteindre n’importe qui, n’importe où, en tous temps. Il ne restait plus à Souisscome qu’à supprimer progressivement les cabines de téléphone publiques et la boucle était bouclée.

 

Pour cela et pour toutes les autres accoutumances de consommation, il faut du fric, toujours plus de fric. Puisque trimer comme un barjot ne suffit plus toujours, la solution de l’endettement se présente comme allant de soi. Avec les conséquences qu’on imagine. Petit tour du web sur la question.

 

« Les helvètes du troisième millénaire n’entretiennent ainsi pas face à l’argent le même rapport que ceux d’hier. Et ce qui était un tabou voilà trente ans – la vie à crédit – se démocratise. Aujourd’hui, un ménage suisse sur dix serait surendetté estiment les spécialistes en recouvrement. Un taux qui grimpe à un sur quatre pour les jeunes couples. Quant au montant moyen des dettes, il progresse lui aussi: de 35000 fr. il y a quelques années, il culmine aujourd’hui à plus de 50000 fr. (...) La nature des créances? Emprunts, leasings, factures de téléphonie mobile et d’achats par correspondance pour l’essentiel. Et si la vie à crédit se démocratise, elle ne concerne plus les seuls petits salaires: «Toutes les classes sont touchées, de l’ouvrier au cadre en passant par l’indépendant», témoigne David Thiémard, pointant les problèmes de gestion rencontrés par sa «clientèle». Une clientèle majoritairement composée d’individus de moins de 30 ans, précise-t-il. »

(http://www.lagruyere.ch/archives/2005/05.02.01/gruyere.htm )

 

L’article continue en parlant d’une enquête d’Intrum Justicia, société de recouvrement et de protection des crédits : à l’âge de 20 ans, une personne sur sept est déjà confrontée à des retards de paiements. « Les filles sont particulièrement frappées par le phénomène. Selon l’enquête précitée, elles représentent 63% des jeunes endettés. La faute, entre autres, au shopping, qui reste – selon une enquête de l’Uni de Zurich – le loisir le plus important pour 85% des adolescents. Et un quart d’entre eux dépenseraient davantage que leur budget ne les y autorise »

Qu’en pensent nos Eminences de Berne ? Elles s’en foutent. Le 22 février dernier, L’Express publiait une brève annonçant que le Conseil Fédéral n’entendait pas…

« …prendre de mesures spéciales pour protéger les adultes de moins de 25 ans contre l'endettement. Jugeant le droit actuel suffisant, il propose de rejeter une motion de Lucrezia Meier-Schatz (PDC/SG). (...) Dans sa réponse, le Conseil fédéral renvoie à la loi sur le crédit à la consommation en vigueur depuis deux ans. Ce texte, fruit d'un "compromis difficile", oblige le prêteur à examiner si la personne souhaitant un crédit est capable de l'assumer. Il est en outre obligé d'annoncer les avances accordées à un centre de renseignements. (...) »

Le site www.dettes.ch contient nombre d’informations précises et importantes :

 

« Avoir des dettes ne signifie pas pour autant la fin de tout. Mais il est très difficile de relever la tête, d’être lucide et de prendre les bonnes décisions par rapport à la nouvelle situation financière.La plupart des ménages surendettés, qui s’adressent à des services sociaux ou à des institutions d’utilité publique, ne peuvent pas se désendetter. Ils n’ont donc que le minimum d’existence calculé par l’Office des poursuites pour vivre. (...) Beaucoup de personnes endettées ne peuvent pas assainir leurs dettes sans en contracter de nouvelles. Certains ménages ont des revenus qui leur permettent à peine de vivre avec le minimum et de payer les impôts ; mais pour d’autres ménages, le paiement des impôts est impossible. Ils demeurent donc inextricablement surendettés. »

(http://www.dettes.ch/index.cfm?cat=leben&cfid=994774&cftoken=98638892 )

 

On trouve sur la même page une revue de presse[1] permettant de mesurer l’ampleur du phénomène et l’attention qui lui prête nos médias. Ainsi, le 24 Heures en page 7 du 24 mars 2004 déplorait déjà la situation, citant 275 000 Suisses ayant « tendance à dépenser sans compter » et risquant « de se retrouver fortement endettés. » Dans le même journal, le 2 novembre 2004, la rubrique Economie se penchait à nouveau sur le phénomène, exposant que «  les jeunes sont particulièrement vulnérables, victimes de la consommation effrénée rendue possible par l’argent facile. » Le 11 octobre 2004, Le Temps estimait à son tour que « Les jeunes s’endettent toujours plus », et citait une enquête de l’Institut de recherche IMP selon laquelle 40% des 14 à 24 ans « ont recours à l’argent plastique une fois par semaine pour leurs achats. » Même son de cloche dans

La Côte

du 5 novembre de la même année, avec un article titrant « Un quart des jeunes adultes en Suisse dépensent trop »

 

La Suisse

n’est bien évidemment pas le seul pays touché par le phénomène.

La Belgique

s’est également montrée préoccupée par la propagation de la « vie à crédit », au point que Johan Vande Lanotte, Vice-Premier Ministre et Ministre du Budget, et Charles Picqué, Ministre de l'Economie, ont commandé une étude en 2001 sur le rapport entre « Le crédit et les jeunes » [2]

 

« Certains profils de jeunes présentent des risques de rencontrer des problèmes ultérieurs dans l’utilisation des services financiers et plus particulièrement le crédit. (...)A cause de leur manque de connaissance et d’intérêt envers les services financiers, les jeunes vont avoir tendance à se comporter prioritairement en fonction de leurs besoins émotionnels, d’autant plus qu’ils ont vécu jusqu’à 18 ans sous la protection et le contrôle des parents et de la banque.

Le danger du crédit peut alors se présenter principalement pour trois types de profils :

 

a) Le profil du jeune qui accorde la priorité à la dimension plaisir et stimulation (« l’hédoniste ») Ce sera celui qui va acheter des objets de satisfaction immédiate (voiture, sorties, moto, etc.) pour son plaisir.

 

b) Le profil du jeune qui envisage de se déployer individuellement («l’apprenti shopper »)

Celui-là pense être à même de comparer les offres et peut se lancer dans des achats prestigieux ou des remboursements à long terme par souci d’expansion.

 

c) Le profil du « poussin » qui se soumet aux avis des autres, les parents, la famille, la

banque, et a de faibles capacités de décider pour et par lui-même. Pour ces trois profils l’accès au crédit peut s’avérer une étape délicate en raison de l’absence d’autocontrôle. (...)»

 

Le phénomène n’est pas qu’européen ; de nombreux sites canadiens, par exemple, traitent également la question :

« La création de nouveaux besoins, la disponibilité du travail à temps partiel, le crédit précoce par les prêts aux étudiants et l'autonomie qu'on impose aux jeunes sont autant de facteurs qui les engagent dans la voie de l'endettement (...)Soucieuse de son engagement social au plan de l'éducation en matière d'économie familiale et individuelle, l'ACEF a décidé d'aller sur le terrain pour réaliser une étude dont l'objectif est de mieux se renseigner sur le phénomène de l'endettement des jeunes de 16 à 20 ans et de vérifier leur connaissance quant à l'achat à crédit. En tout, 1375 jeunes ont répondu à notre enquête. En voici quelques données révélatrices:

· 40% des jeunes ont une dette variant entre 1000$ et 5000$

· 41,5% des jeunes ont un travail

Les principales sources d'endettement sont: l'acquisition d'une voiture (47,5%), les loisirs (38%), l'achat de vêtements (27,8%) etc. (...) »

(http://www.consommateur.qc.ca/acef-be/27.htm)

 

A noter que Google ne manque pas d’un certain humour : à droite de la page du moteur de recherche apparaissent des « Liens commerciaux » proposant à la suite le problème…

 

«  Credit - Rapide, simple et discret. On-line ou par tél au XXXXX www.credit-

direct.ch »

… puis vendant sa solution !

 

Make Your Debts Disappear - Refinance, Loan Consolidation, Be Debt Free Today www.LowerMyBills.com »

 

Sachez aussi que la Suisse,détient un triste record : celui des marges que les banques encaissent sur les crédits dits « de consomation », à savoir les petits crédits et les leasings. Pour un emprunt sur lequel vous payerez jusqu’à 12% d’intérêts, la banque se refinancera (elle empruntera le fric qu’elle vous prête) à environ 1%, ce qui lui fait jusqu’à 11% de bénéfice. En Angleterre ou en Australie, cette même marge est d’à peine 3 à 4%, concurrence oblige… A noter que le taux maximum d’un crédit + frais par année est de 15%.

 

Prenons l’exemple Australien, justement. Chez les Kiwis, toute personne désirant contracter une dette (hypothèque ou petit crédit) doit avoir un « rating » (c'est-à-dire une note estimant la solvabilité de la personne). C’est d’ailleurs la même chose en Suisse pour les hypothèques, la banque vous attribuant une note qui décidera du taux. Le problème est que pour avoir une bonne note, il vous faut prouver, par le biais d’achats et de remboursements de votre carte de crédit, que vous savez gérer une dette. L’idée est certainement partie d’une bonne intention, mais le résultat est que vous devez acheter à crédit en augmentant régulièrement le montant de votre dette et des remboursements, pendant des années afin d’avoir un bon rating. Vous pouvez donc imaginer combien cela peut vous coûter en intérêts…

 

Quelques exemples et conseils pratiques afin de ne pas tomber dans la spirale des dettes :

 

- Ne contracter un petit crédit qu’en cas d’extrême urgence, et non pas pour consommer encore un peu plus. Si un emprunt est réellement indispensable, essayez pendant quelques mois de mettre de côté le montant que vous devriez rembourser tous les mois afin de vous habituer à vivre avec cette réduction. Ensuite, gardez cette argent de côté afin de parer à un coup dur, comme une réparation de voiture ou la perte temporelle d’un emploi.

 

- Préférez le leasing au petit crédit pour votre voiture (sorte de location au lieu d’un achat). Bien souvent des marques automobiles offre des leasings à 0% (Citroën dernièrement)

 

- Pour les leasings automobiles, concluez une assurance « reprise garantie », histoire d’éviter une mauvaise surprise le jour ou vous changerez de véhicule. Il existe également des assurances qui vous couvrent en cas de perte d’emploi.

 

- Lorsque vous faites un payement par carte de crédit ou un achat par correspondance, retirez immédiatement le montant de la transaction de votre compte et gardez cette argent de côté afin d’éviter « d"oublier » les montants dépensés.

 

- Préférez une carte de type EC à débit direct par rapport à une carte de crédit. Elles sont disponibles dans toutes les banques et ont pour avantage que le montant payé par leur biais est débité sous 24h/48h de votre compte, donc vous savez exactement ou vous en êtes.

 

- Cash business is good business disent les Anglais. N’achetez pas votre essence ou d’autres bien (nourriture, habits, etc) avec des « cartes maisons », comme par exemple BP ou Esso pour l’essence. Ca n’est rien d’autre qu’une carte de crédit…

 

- Si vous ne gardez pas votre carte de crédit sur vous, vous éviterez bien des achats « impulsifs » favorisé par des techniques de marketing et ventes toujours plus agressives !

 

 

Entreprises offrant les petits crédits et leasings en Suisse (liste non exhaustive) :

 

- Toutes les banques dites universelles (CS, UBS, Banques cantonales, Raiffeisen, Banque Migros, Banque Coop, etc)

 

- Etablissements spécialisés : Procrédit, GE Capital, Corner Bank, etc

 

- Pour les automobiles, le plus gros importateur de voiture en Suisse, AMAG, par le biais de sa filiale AMAG Leasing SA

 

 

Pour conclure, je dirais qu’il faudrait idéalement ne jamais contracter de dette pour des biens de consomation courants. Facile à dire vous me direz, et il est vrai que ça n’est pas toujours évident de résister. On peut justifier une dette pour l’achat d’une maison, on peut comprendre l’achat à crédit d’un véhicule, mais comment un militant peut-il justifier d’être dans une merde financière totale pour avoir voulu le dernier natel, des habits de marque ou ce voyage dont il a toujours rêver… Voici exactement ce que ces usuriers veulent : Vous faire rêver à crédit ! Rêver d’argent facile, de voitures neuves et de motos puissantes. Ne succombez pas à l’appel de la consomation débile, sortez de leur rêves prémâchés et soyez fier d’avoir résister, car dans cette jungle capitaliste, le simple fait de dire non est presque un exploît !

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