La femme Européenne (Partie 3)
La femme chez les peuples du désert
On
connaît la distinction, éclairante, quétablit Ernest Renan entre les religions
du désert et les religions de la forêt. Qui dit religion dit peuple, car la
religion est lexpression, dans le champ du sacré, de lâme, du psychisme dun
peuple. Autrement dit, cet historiens des religions, doublé dun distingué
linguiste, quétait Renan définissait, à travers le critère religieux, un
critère ethnique, à savoir des conceptions du monde incompatibles car fondées
sur des valeurs trop opposées les unes aux autres pour pouvoir se rencontrer et
se fondre. Lincompatibilité entre civilisations trop différentes- symbolisée
par le contraste, spectaculaire et polymorphe, entre désert et forêt- est
source de choc et se traduit dans tous les domaines de la vie des sociétés.
Mais elle sexprime avec une force emblématique dans certains secteurs
particulièrement sensibles de lorganisation sociale. La place de la femme en
fait partie.
Il est
révélateur, à cet égard, de comparer la conception de la femme quont les
peuples de la forêt, dont font partie, entre autres, les Indo-Européens, et
celle qui prévaut chez les peuples du désert, dont font partie, entre autres,
les Sémites. Cest à lunivers mental de ces derniers que nous allons nous
attacher, en y cherchant limage de la femme quil propose.
La femme dans
Commençons
par le commencement. La conception de la femme, est en effet dans les sociétés
et religions monothéistes toutes nées au désert, étroitement déterminée par le
message biblique. Cest le cas, évidemment, pour le premier en date des
monothéismes, né au sein du peuple hébreu et dailleurs élément constitutif
déterminant de ce peuple, mais aussi pour les deux autres monothéismes, le
chrétien et le musulman, dont la matrice est biblique même si ils ont pris leur
autonomie au fil du temps (On sait que Mahomet fut très influencé par le
judaïsme et le christianisme dans la période fondatrice de sa prédication.
Quant au christianisme, il fut dabord un judéo-christianisme avant dévoluer
sous linfluencer de lhelleno-christianisme). Le cas du christianisme est
cependant particulier car, malgré son origine sémitique, il a été profondément
marqué par sa nécessaire adaptation aux mentalités européennes- gage de sa
réussite historique. Cest pourquoi nous concentrons notre attention sur le
monde juif et le monde musulman.
Toutes les
vérités étant contenues dans
Iahvé après
avoir créé lhomme au sixième jour de la création, « prit une de ses
côtes et enferma de la chair à sa place. Il bâtit en femme la côte quil avait
donc prise de lhomme » (Genèse, II, 21-22). Donc la femme est seconde
par rapport à lhomme, elle lui est donc naturellement subordonnée- cest
dailleurs lhomme qui donne son nom à dEve à la femme, alors que lui-même a
reçu le sien, Adam, de Dieu, et le don du nom est un acte de possession. Puis
arrive lépisode décisif : au cur du jardin dEden (le paradis) la femme,
inspirée, tentée par le serpent, pousse lhomme à braver et enfreindre
linterdit fixé par Iahvé au premier homme ; « Tu pourras manger
de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de larbre de la connaissance
du bonheur et du malheur car, du jour où tu en mangeras, tu devras
mourir » (Genèse, II, 15)
La
motivation dEve est intéressante à noter : « La femme vit que
larbre était bon à manger, séduisant à regarder, précieux pour agir avec
clairvoyance ». Cest donc la capacité de jugement, de décision- donc
daffranchissement- qui paraît intéressante à la femme
et que Iahvé ne veut
pas laisser à la disposition de lêtre humain qui, devenant libre et capable de
définir lui-même le bien et le mal, échappe à Dieu
et se fait son égal. Iahvé
punit donc lhomme et la femme, en les chassant du paradis, car plus encore que
linfraction à sa Loi, il craint que lêtre humain devienne immortel -
privilège de Dieu en mangeant dun autre fruit : «Maintenant quil ne
tende pas la main pour prendre aussi de larbre de la vie, en manger et vivre à
jamais ! » (Genèse, III, 22).
Eve, la
tentatrice ayant elle-même cédé au tentateur, est donc chargée de la
responsabilité à légard de lhumanité, qui doit désormais payer pour la
pécheresse et porter à jamais le poids du péché originel, germe de mort. Les
Juifs sont catégoriques : « Cest par la femme qua commencé le
péché. Cest à cause delle que nous mourons tous » (Ecclésiastique, XXV,
24). Le juif Saul de Tarse devenu le chrétien Paul ne dira pas autre chose.
Comme le résume Jean-Paul Roux, « après ces mots tout est dit, le reste
nest que broutille ».
La bible
faisant peser dès le départ une telle charge de culpabilité sur la femme, il
est normal que son sort soi peu enviable. Ainsi la polygamie est-elle admise.
Les souverains hébreux possèdent dailleurs dimmenses harems et on ne voit pas
dinconvénients à ce que Salomon, célébré pour sa sagesse, ait sept cents épouses
et trois cents concubines (Iahvé lui reprochant seulement den prendre
certaines parmi des races étrangères
) ( I, Rois, XI,3).
Certes, est
rappelé linterdiction de prostituer sa fille (ce qui prouve que ce rappel est
nécessaire
) Mais la femme adultère est punie de mort et la fille venant au
mariage alors quelle nest plus vierge sera lapidée. La répudiation de
lépouse se fait selon le seul bon plaisir de lhomme (Deutéronome, XXIV, 1-2).
Et si limpureté frappe la mère pendant quarante jours après la naissance dun
garçon, il faut huitante jours pour la naissance dune fille (Lévitique, XII,
2-5).
La
misogynie des textes bibliques est affirmée sans nuances : « Toute
malice est petite auprès de la malice des femmes ». Ou
encore : « Je trouve plus amère que la mort la femme, parce
quelle est un traquenard, que son cur est un piège et que ses bras sont des
liens. » (Ecclésiaste, VII, 26)
Les
enseignements bibliques ont perpétué, au fil des siècles, une image de la femme
que lon retrouve aujourdhui chez les juifs orthodoxes, que ce soit en Israël
ou dans la diaspora. Les rabbins réglementent strictement la vie sexuelle. Chez
les plus rigoristes par exemple au sein du mouvement loubavitch, héritier
dune des plus importantes écoles de pensées du hassidisme la femme est
frappée dimpureté onze jours par mois (les quatre jours des règles, plus la
semaine qui suit). Il est alors hors de question quil y ait le moindre contact
entre elle et son mari : on ne se passe pas dobjet de la main à la main,
on ne sassoit pas sur le même fauteuil. Si un tel rigorisme est affirmé avec
force chez les plus intransigeants, lensemble de la communauté juive, à
travers le monde, reste cependant imbibé par les préceptes qui viennent du plus
lointain passé du peuple hébreu.
En fait la
fascination répulsion des Sémites à légard de la femme crée une mentalité
obsessionnelle, quon retrouve chez les arabes. Pour des raisons évidentes,
selon Jean-Paul Roux : « Parce que les Arabes, chez qui lIslam est
né, sont des Sémites, comme les Hébreux, parce que leur livre sacré, le Coran,
est truffé de réminiscences bibliques plus ou moins altérées ou, comme ils
disent, corrigées, et parce que, comme les juifs, ils refusent lincarnation et
la trinité divine, ils sont plus directement que les chrétiens les héritiers du
judaïsme, ils en demeurent plus proches ».
La femme dans lIslam
Contrairement
à lhagiographie musulmane, qui veut faire du prophète Mahomet un bienfaiteur
de la condition féminine, par rapport à ce qui se passait dans la société arabe
préislamique, les sources historiques révèlent que nombre de femmes bédouines
nont pas apprécié son action et son message, lui manifestant du coup une forte
hostilité. Certaines dentres elles ont même suscité des révoltes, ce quelles ont
souvent payé de leur vie, de façon atroce. Ainsi Ibn Ishaq, repris et transmis
par le célèbre historien Tabari, raconte comment Umm al-Quirfa et sa fille
Salma furent écartelés entre deux chameaux, par ordre dun Mahomet vindicatif
et dautant plus haineux que ce fussent des femmes qui aient osé le défier,
lhumiliant ainsi devant ses partisans.
Dès la mise
en place des premières sociétés musulmanes saffirme le rigorisme de
prescriptions qui ont pour but dencadrer strictement la vie quotidienne du croyant.
Cest « létourdissant réseau de prescriptions tissé par la
charia » qui contrôle les
rapports intimes entre hommes et femmes, car « la doctrine musulmane
qui prétend régir toute la vie du croyant au moyen dune minutieuse législation
(pour partie tributaire du Talmud), codifie également le cadre, la portée, les
modalités et les conséquences de lacte sexuel légalement considéré dans le
mariage et hors mariage ». Or il est évident que toute la vie sexuelle
des individus est dominée par « le mur que lIslam traditionnel
érige entre les sexes ».
Les
consignes données aux musulmans par le Coran (VIIe siècle) ou les hadith
(paroles et actes du Prophète, rédigés au XIe siècle) sont sans ambiguité
concernant « le statut très inférieur de la femme en terre dIslam que
lon ne peut guère nier sauf par romantisme culturel ou flagornerie ».
Le Coran affirme en effet clairement que la femme, créée par Dieu inférieure à
lhomme, doit le rester et respecter ainsi la volonté divine. La femme étant
impure, lhomme doit sen écarter (pour sen protéger) à loccasion de tout
acte de nature religieuse (prières quotidienne, présence à la mosquée). La
polygamie est licite, Mahomet ayant dailleurs donné lexemple en prenant 9
femmes.
Le mariage
est conçu comme un contrat mettant à la disposition de lhomme un objet sexuel
destiné à satisfaire ses pulsions, à son gré, le point de vue de la future
épouse, nayant dailleurs aucune importance, puisquil nest nul besoin de la
consulter. Celle qui serait réticente peut être soumise au djahr (droit de
contrainte matrimoniale, qui permet de soumettre lintéressée par tous les
moyens).Elle peut être répudié à tout moment (Bible et Coran à cet égard sont
bien daccord).
Lunivers
masculin et lunivers féminin sont totalement séparés, étanches : « Lexistence
de deux sociétés parallèles, isolées, sans passerelles de lune à lautre
hormis celle de la sexualité, est lun des caractères fondamentaux du monde
musulman ».
Si le Coran
spécifie quune musulmane ne doit pas épouser un non-musulman, le musulman ne
peut épouser une « idolâtre », c'est-à-dire une païenne (une femme
qui nest ni musulmane, ni juive, ni chrétienne). Il ne peut non plus épouser
une femme déjà mariée
sauf si cest une captive de guerre (Coran, V, 22). Quant
aux femmes soupçonnées dinfidélité, le remède est simple : «Battez-les »
(Coran, IV, 34) (dans le meilleur des cas, car dans de nombreux pays,
ajourdhui encore, la lapidation est de règle
malgré les déclarations
lénifiantes des autorités locales, qui nient une pratique pourtant avérée).
On peut
épouser une fille dès lâge de 9 ans (cest à cet âge que le Prophète a défloré
Aïcha). La femme a tout à redouter du temps qui passe : en effet si
lhomme est censé se bonifier au fur et à mesure quil avance dans lâge, le
processus est exactement linverse chez la femme
La
diffusion de lIslam par les Arabes chez les peuples quils ont conquis
sest-elle traduite par un abaissement de la condition féminine ? La
réponse doit être nuancée selon les peuples. Certains conservent, malgré
lislam, une vision de la femme qui lui reconnaît sa dignité. Cest le cas chez
les Berbères, qui furent dailleurs guidés pendant de nombreuses années, lors
des guerres de résistance contre les conquérants arabes, par une femme,
Par contre
chez les Turcs, ralliés tardivement à lIslam, la misogynie est évidente. Nizam
al-mulk, grand vizir des Seldjoukides au XIe siècle, ne mâche pas ses
mots : « Il faut pour quune entreprise ait un heureux résultat
faire le contraire de ce que disent les femmes ». Au XVe siècle, au
Caire, les théologiens rendent responsable dune épidémie de peste
les femmes
qui osent se promener dans les rues.
Les jeunes musulmanes vivant dans les pays européens sont souvent tentées de sémanciper dune tutelle trop pesante en espérant, grâce à des études suffisamment poussées, obtenir les moyens dune indépendance financière par le biais dune activité professionnelle. Et à partir de là, une liberté de vie. Mais à ce modèle démancipation soppose un modèle de soumission, celui de la fille voilée, qui affirme le plus souvent faire ce choix par conviction religieuse et respect des traditions familiales. Mais combien le font par crainte de représailles ? Lexemple de ces filles des « cités » égorgées ou brûlées vives pour « inconduite » par des gardiens autoproclamés de la morale (souvent des parents) doit en réfléchir plus dune